HALTE AU TOUT-EN-ANGLAIS
Mon récent voyage en Grèce, en juillet 2016, a pris une tournure étrange. Mon vagabondage dans les villes d’Athènes et du Pirée, dans la péninsule du Pélion et dans l’île de Paros, s’est transformé souvent en véritable croisade contre l’utilisation abusive de la langue anglaise ou son équivalent anglo-américain. Pourquoi cette pulsion violente contre l’usage d’une langue que j’ai apprise très consciencieusement au lycée et à l’université pour l’enseigner par la suite ? Pourquoi cette croisade contre l’usage de l’anglais, langue que je pratique volontiers avec les vrais anglophones ? Certes, comme beaucoup, je peste depuis longtemps contre le franglais, contre l’invasion des termes anglo-américains liés au développement des techniques de communication et aux échanges commerciaux, scientifiques, touristiques, artistiques, sportifs, bref, tout ce qui fait la culture, la civilisation. Je déplore aussi l’idée qui se répand, selon laquelle pour toute création technique, artistique, hors l’anglais point de salut. Il faudrait écrire en anglais, chanter en anglais, se dénommer en anglais, bref, une perte culturelle aussi énorme qu’insidieuse pour les autres langues, donc les autres cultures…
C’est alors en Grèce cet été que, suffisamment outré pour réagir et mobilisé pour agir, je décide de partir en croisade contre l’invasion du « tout-en-anglais ». L’envahisseur est facile à désigner. Même s’il est loin, ses tentacules nous enlacent. Ceux qui sont envahis sont ici, en Europe, mais cela semble difficile de les mobiliser pour combattre. En effet l’Europe, riche de son multilinguisme, donne plutôt des signes de faiblesse et manque de volonté en matière de respect et de valorisation concrète des langues. Sans stratégie consensuelle, elle semble se laisser aller à la facilité et s’abandonner à la prétendue fatalité de la suprématie de la langue conquérante. Pourtant, selon une formule d’André Malraux, « Une culture ne meurt que de sa propre faiblesse ». Alors, locuteurs de tous les pays, d’Europe et d’ailleurs, réveillez-vous !