Hanétha Vété-Congolo au Festival des langues et cultures créoles
Le Festival des langues et cultures créoles qui se déroule à Arcueil, Créteil, et Paris, du 1er octobre au 7 novembre 2017, a pour marraine Madame George Pau-Langevin, Guadeloupéenne, ex-ministre des Outre-Mer.
C’est l’occasion pour M. Difé Kako d’organiser, outre des ateliers et des projections de films, des tables rondes avec des invités choisis.
La Docteur Hanétha Vété-Congolo intervient autour de la linguistique. Elle est professeur au Bowdoin College, dans l’état du Maine, au nord-est des États-Unis. Elle y enseigne les cultures et littératures en langue française de France, d’Afrique et des Amériques.
Elle fait partie des rares étudiants formés intégralement en Martinique, « un pur produit UAG » dit-elle, « tous les diplômes que je détiens ont été obtenus à l’UAG Martinique, de feu le DEUG jusqu’au doctorat nouveau régime ».
HVC a créé l’ACIAGEU, l’Association des chercheurs et intellectuels antillo-guyanais aux Etats-Unis, ayant pour but la promotion des idées intellectuelles et des travaux universitaires des Martiniquais, Guyanais et Guadeloupéens aux Etats-Unis et le soutien aux doctorants et jeunes chercheurs de l’UAG désireux de s’installer aux États-Unis et d’y mener une carrière professionnelle, cet objectif étant d’autant plus louable que, à cette époque, il se disait que la Martinique ne savait pas instruire ses enfants avec pertinence et rigueur et que posséder un diplôme de l’UAG était le garant immanquable d’un échec cuisant. Cependant, comme l’UAG ne propose pas la combinaison de plusieurs langues étrangères avec la littérature et la culture rattachées à ces langues et la philosophie, elle a dû étudier par elle-même en plus de ce que l’université lui a permis d’obtenir : une maîtrise d’anglais, un DEA Caraïbe, Amériques Latine et du Nord et un doctorat en littérature générale et comparée. Elle a fait sa thèse sous la direction du Professeur Roger Toumson, essayiste, poète et théoricien de la littérature, tandis que la Professeure Maryse Condé, écrivaine, a présidé le jury devant lequel elle a soutenu. Tous deux sont originaires de la Guadeloupe.
Désormais installée dans le Maine, sa préoccupation première est l’avancement et l’abonnissement des sujets caribéens, « mes gens » comme elle se plaît à les appeler. C’est le sens de sa recherche et de son enseignement.
Après un rappel historique sur le Collège, HVC explique ce que sont les Africana Studies à Bowdoin : un programme interdisciplinaire rassemblant des enseignants domiciliés dans des départements classiques comme les départements de philosophie, d’anglais, d’anthropologie, de religion ou de langues. Africana Studies comme expression se voulant englober les études nègres en général, d’Afrique jusqu’en Amérique.
HVC sent que ses cours sont fort appréciés. Lorsqu’elle a eu à diriger une thèse d’honneur sur l’identité antillaise telle qu’exposée dans la littérature de la Négritude, de l’Antillanité et de la Créolité, elle fut émerveillée du résultat obtenu par un étudiant vierge de connaissances sur les concepts et le monde caribéens.
Lorsqu’on lui demande si la littérature francophone est connue et enseignée aux États-Unis et si les intellectuels noirs américains s'y intéressent, elle affirme que ce sont les études en culture et littérature dites francophones, c’est-à-dire, en dehors de la France franco-française, qui sont en train de sauver les études françaises aux États-Unis et que c’est essentiellement la francophonie nègre qui permet le maintien des études en et du français.
Elle explique que les Africains-américains n’étudient pas beaucoup les humanités et les langues étrangères. Généralement, les intellectuels s’intéressant à la littérature en français par le français, l’enseignent et en font la promotion. Il y a une corrélation étroite entre le fait d’enseigner le français, la langue, et de s’intéresser aux cultures et littératures véhiculées en français. L’avenir du français enseigné aux États-Unis passe par l’incorporation nécessaire de cours sur l’Afrique et la Caraïbe francophones essentiellement et sur le Canada francophone, parfois le Vietnam, les Océans indien et pacifique. De moins en moins d’étudiants s’inscrivent dans les sections de français au profit des sections d’espagnol. On voit de plus en plus des dix-huitiémistes, des dix-neuviémistes inclure la ‘francophonie’ comme référence supplémentaire à leur compétence d’enseignement et de recherche. Il y a même des médiévistes qui incluent des textes francophones caribéens ou africains dans leur cours sur la France médiévale. Dans les rencontres savantes de spécialistes francophonistes, il y a toujours des non-spécialistes, encore du XVIIème, XVIIIème, XIXème et XXème purement français, qui se rendent en Martinique et en Guadeloupe pour s’acclimater directement avec une culture francophone, pour justifier le fait qu’ils l’enseignent et pour justement l’enseigner au mieux puisqu’ils n’y ont pas été formés régulièrement et que cela leur servira dans leur CV, l’ajout de cette fameuse culture/littérature du tremblement qui émane des anciennes colonies de l’ancienne Grande France. La Martinique est l’un des pays dont les idées intellectuelles sont les plus étudiées en étude francophone, puisqu’elle offre de nombreux intellectuels et des écrivains hommes renommés. La littérature des femmes de Guadeloupe est aussi largement enseignée. Il n’y a pas de spécialistes qui ne connaissent pas les Lougandor ou Tituba.
Interrogée sur ses principales publications et ses axes de recherche actuels, HVC déclare s’intéresser à l’oralité de la culture, aux questions dont les réponses peuvent aider les peuples caribéens à mieux se comprendre et les autres à mieux les comprendre. Ses démarches intellectuelles s’ancrent dans la littérature orale et écrite d’Afrique et des Amériques et s’inscrivent totalement dans l’interdisciplinarité. La question du sujet féminin tel qu’apparaissant dans les textes littéraires et oraux constitue également pour elle un centre d’intérêt intellectuel. La production littéraire des femmes est également l’un de ses domaines d’investigations intellectuelles.
Son étude sur les textes oraux de la Caraïbe anglophone, francophone et hispanophone est publiée sous le titre, « L’inter-oralité caribéenne : le mot conté de l’identité », avec un avant-propos du Dr. Jean-George Chali, spécialiste de l’oralité caribéenne.
- (texte établi d’après un entretien datant de 2010)
- ouvrages d’Hanetha Vété-Congolo :
Mon parler de Guinée
Le conte d’hier, aujourd’hui
Léon-Gontran Damas
PS : les amoureux de la francophonie et les autres noteront avec intérêt que le gouverneur de l’état du Maine s’appelle Paul LePage et que le français est sa langue maternelle, tandis que le nom de l’état vient vraisemblablement du Maine ancienne province française…