Plus grave encore que la glottophobie !
En France, le député Christophe Euzet, élu de la Nation dans une circonscription de l’Hérault – comme par hasard !- vient de faire une proposition de loi sur la glottophobie, (du grec ancien γλῶττα, langue et φόβος, peur). En effet, on a tous en tête des exemples de moqueries à l’adresse de concitoyens reconnaissables par un «accent» du sud, du nord, de l’est, des îles, de banlieue, de la campagne, etc. Parfois leur carrière professionnelle peut en pâtir, leurs chances d’embauche ou de réussir une épreuve orale de concours également. La stigmatisation joue rarement en leur faveur. Il paraît donc tout à fait normal de légiférer sur ce problème, sans le minimiser. Il convient toutefois de comprendre que nous vivons aujourd’hui l’aboutissement d’un processus correspondant à l’unification du pays, qui s’est faite au fil des siècles par tous les régimes politiques monarchiques et républicains. Il a fallu d’abord imposer le français de langue d’oïl contre le latin (édit de Villers-Cotterets sous François Ier), puis de normer cette langue ( Académie Française créée par Richelieu ), la révolution de 1789 a remplacé le modèle aristocratique par le modèle bourgeois et la langue de la capitale est confirmée comme langue unique de la nation, ensuite la scolarité obligatoire a permis à l’État jacobin d’interdire les patois et les langues des régions françaises. Sous la troisième République, beaucoup de petits Français du peuple n’ont découvert et appris le français qu’à l’école, avec ce que l’on sait des méthodes punitives et parfois humiliantes de l’époque. Mais c’était pour l’égalité des chances et il est un peu trop facile de mettre ça sur le dos du centralisme jacobin dominant, car pendant ce temps, la bourgeoisie de tout le pays, y compris dans les colonies, a toujours su que pour paraître et réussir il fallait imiter l’élite parisienne pour se fondre en elle, donc elle parlait français et se démarquait du même coup du bas peuple. Ce snobisme est universel et ne dépend pas du régime politique. Un Napolitain à Milan, un Bavarois à Francfort, un Galicien à Madrid se sentent tous contraints d’épouser les codes de l’élite du moment sous peine de déconsidération.
La manifestation de glottophobie nous révèle donc une forme de snobisme, de discrimination sociale. On tient pour inférieur celui ou celle qui a un « accent » et on montre en « parlant bien » qu’on fait partie des supérieurs.
Alors oui pour condamner la glottophobie, mais n’oublions pas le snobisme encore plus grave pour notre culture que déploient de nos jours les élites européennes, qui rivalisent de zèle pour incorporer à tout bout de champ des termes américains et d’ériger la langue anglaise en super langue ! Le tout orchestré par nos politiciens dont le premier rôle devrait être de défendre leur pays donc leur langue ! Savent-ils qu’à ce train les générations prochaines seront comme nos aïeux des provinces et pire encore, car dès leur premier banc d’école ce sera la langue d’un autre pays, d’une autre culture, qui leur sera imposée pour éviter la glottophobie dont ils seront victimes ?