De 1920 à 2020, du fascisme au code QR
La nouvelle cheffe de gouvernement italien, Angela Meloni, issue du parti Fratelli d'Italia, censé decendre du parti fasciste de Benito Mussolini, entend faire reculer l’usage de l’anglais dans la société italienne. Le dictateur en avait fait autant dans les années 1920-30, avec un certain succès. Il visait surtout le français et l'anglais (langues des ennemis d'alors), largement employés dans les domaines de la cuisine, de la couture, du sport. Ainsi, au restaurant, on ne devait pas dire menu mais lista, le football devait s'appeler calcio, qui l'est resté aujourd'hui, on pourrait trouver de très nombreux exemples encore.
Seulement voilà, aujourd'hui, il n'y a plus de ressort dans nos sociétés européennes pour se rendre compte du danger et réagir, et le brexit ne change rien, car ce n'est pas l'anglais du roi Charles qui domine, mais l'anglo-américain. Certes l'Europe affiche le plurilinguisme, mais en fait cela se borne de plus en plus à contenir les différents idiomes au statut de dialecte local. Les différents pays ne se donnent plus la peine de traduire en plusieurs langues les indications publiques commerciales, touristiques, administratives. Lorsqu'on visite un monument, que l'on consulte des panneaux d'information sur les transports ou autres, on ne nous présente plus que la langue du pays et une version anglaise plus ou moins bien réussie d'ailleurs, car quoi qu'on en dise, le niveau d'anglais de la plupart des gens non anglophones de naissance est souvent très médiocre. Il y a donc un vrai désavantage pour ces derniers, ce qui explique que les classes favorisées prennent les meilleures dispositions pour que leurs enfants étudient l'anglais dans les meilleures conditions et dès le plus jeune âge, précipitant ainsi le naufrage de leur langue maternelle.
Peut-on faire autrement ? Je réponds oui sans trop craindre le ridicule. En effet il y a la technologie. Les traducteurs numériques sont de plus en plus performants et surtout un code réponse rapide peut faire des miracles : le code QR !
C'est tout récemment que je me suis trouvé à Urbino, charmante ville de la région des Marches en Italie, près de la mer Adriatique. Pendant que mon épouse cherchait à déchiffrer quelques lignes sous les magnifiques fresques de l'Oratorio di San Giovanni Battista, j'ai ajusté mon mobile sur le fameux carré et j'ai découvert que des explications très fournies étaient proposées en italien, anglais, allemand, français et russe. Je n'en croyais pas mes yeux. Je les ai consultées toutes pour le croire. Les textes étaient beaucoup plus longs que les quelques lignes en italien sur les murs. Et pour chaque visiteur dans sa propre langue (ou presque)! En sortant, je demande à l'employé qui délivre les billets d'entrée s'il pouvait me dire qui avait pensé à faire ce travail magnifique. "C'est moi" m'a-t-il répondu tout naturellement et modestement. "C'est ma confrérie qui l'a décidé et moi je le fais avec bien sûr l'aide des linguistes nécessaires". Je lui dis bravo et j'ajoute pour le taquiner "et en chinois ? japonais ?" "Pas de problème c'est en cours de réalisation". J'étais aux anges, ce n'est pas peu dire dans un oratoire !
Merci à l'Italie et surtout au frère de la confrérie de San Giovanni Battista de m'avoir donné cet immense plaisir et ce grand espoir que le respect des langues et la prise de conscience de leur richesse culturelle soient vivants encore pour longtemps !